Comme une sensation de manque…
La plupart des humains vivent au même moment une profonde remise en question de leur avenir professionnel. Une grande partie des dirigeants que je conseille ont en commun l’envie de retrouver un mode de vie « normal » avec leurs collègues, mais ils savent que leur vie professionnelle va changer après l’épidémie. Ils ressentent l’arrivée d’un « nouveau normal » et se demandent comment ils devront s’adapter et s’ils en ont vraiment envie.
Le confinement les pousse à regarder les choses avec plus de distance, même lorsqu’ils exercent une activité valorisante et bien rémunérée. Ils ont souvent le sentiment de ne pas se concentrer sur « l’essentiel », de ne pas tenir les promesses qu’ils se sont faites à eux-mêmes et sont désemparés lorsqu’ils réalisent qu’ils ne peuvent pas revenir en arrière pour tout recommencer. « Quelque chose » leur manque.
1 – Fuite en avant ou retour sur soi ?
Pour traverser cette période de transition et de décision, ils ont besoin de prendre conseil, de parler de leurs motivations profondes et d’écouter l’expérience et les perceptions des autres. C’est grâce à cette aide que les dirigeants peuvent faire des choix sereins plutôt que de fuir impulsivement la frustration ou l’ennui.
Ils se demandent si ce qu’ils font correspond à ce qu’ils voudraient vraiment faire. La réponse n’est souvent pas évidente. Elle suppose de faire la part des choses entre ses motivations réelles et les objectifs qu’on reçoit des autres et qu’on a souvent contribué à formuler.
C’est le moment d’y réfléchir, de prendre les bons conseils et de se préparer et d’agir car chacun pressent que « les choses vont changer ».
2 – A quoi va ressembler la vie après la pandémie de Coronavirus ?
Les media nous inondent d’affirmations selon lesquelles « rien ne sera plus comme avant », « il y aura un avant et un après », « le nouveau demain sera radicalement différent ». De quoi s’agit-il, concrètement ? La vérité, c’est que pour les cadres et dirigeants, la vie sera surtout ce qu’ils en feront eux-mêmes.
A – L’explosion de la “e-life”
Actuellement testée à grande échelle en raison du confinement, elle va s’accélérer et s’imposer comme une façon normale de vivre. En interne dans l’entreprise, mais aussi dans les relations avec les clients et avec les fournisseurs, une grande partie du travail va se structurer à distance.
Les dirigeants et les cadres sont favorables à cette évolution, mais ils devront apprendre à être plus autonomes et rester compétitifs tout en apprenant de nouveaux modes de management et en maintenant la cohésion des équipes dans des organisations plus lâches. Les attentes à leur égard seront au moins identiques en termes de performance.
Pour la plupart d’entre eux, travailler en réseau n’est pas un problème, mais ils veulent jouer un rôle actif dans l’invention de nouveaux modes de relations qui allieront plus d’humain et plus de technologie. Ils recherchent souvent du coaching pour y parvenir.
B – Une nouvelle organisation des entreprises
Une phase de contraction va s’amorcer : les dépenses vont être réduites, des emplois seront supprimés, des projets seront annulés. Il faudra intégrer les conséquences de la crise dans l’organisation des entreprises : revoir les chaînes d’approvisionnement et de distribution ; améliorer la capacité à gérer la crise ; élaborer des scénarios et de nouvelles procédures…
Si certains n’ont pas connu les crises précédentes, la plupart savent s’adapter et rebondir, à condition cependant d’y trouver leur avantage. Leur motivation sera d’être acteurs des changements qui s’annoncent. Ils ne veulent pas subir.
Dans ce contexte, la façon dont une personne jouera le jeu sera critique pour le développement de sa carrière.
C – Une quête d’équilibre personnel
Les dirigeants se reconnaissent désormais de plus en plus dans des organisations qui admettent l’importance d’un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
Mes clients, conscients du rôle que leur vie professionnelle joue dans la construction de leur identité, veulent la piloter et fixer eux-mêmes les limites : ils disent aussi que rien ne vaut une vie pleinement épanouie.
La question sera pour eux de “négocier”, d’abord avec eux-mêmes, puis avec les entreprises, ce qu’ils sont prêts à donner et ce qu’ils exigent de recevoir en retour.
3 – Redéfinir les priorités
Dans ce contexte, ce sont ceux qui connaissent le mieux leurs priorités, ce qu’ils sont prêts ou pas prêts à accepter, qui sauront mieux tirer parti du changement. Il faut faire la part des choses et construire la définition personnelle qu’on a de son succès, sans se laisser influencer par les autres. On peut ensuite évaluer ce qui manque pour se rapprocher de cette définition.
Par exemple, nombreux sont ceux qui disent vouloir gravir les échelons et maximiser leurs gains financiers dans une grande organisation, alors qu’en réalité, ils rêveraient de porter une vision commune au sein d’une équipe restreinte qui leur ressemble. De même, nombreux sont ceux qui s’enorgueillissent de dormir chaque jour dans une capitale différente, alors qu’il voudraient passer plus de temps avec leur famille et leurs proches.
C’est un point de départ pour échapper à l’ennui, au stress et à la fatigue : se sentir centré sur ses vrais besoins et savoir qu’on en tient compte dégage de l’énergie avancer. Ils ont une image de soi plus positive et commencent à réfléchir à leur projet personnel, leur « vision stratégique ».
4 – Une « vision stratégique » pour soi-même
La « vision stratégique » est l’idéal qu’on se fixe pour répondre à sa propre définition du succès. C’est la nouvelle promesse qu’on veut se faire à soi-même, là où on veut donner de l’énergie et se projeter avec enthousiasme.
Plus on s’en rapproche, mieux on se sent ; plus l’image qu’on a de soi aujourd’hui s’en éloigne, plus on se sent inutile, démotivé ou déprimé.
La « vision stratégique » a des dimensions concrètes comme occuper certaines fonctions, atteindre un certain niveau de responsabilité ou de rémunération, diriger une équipe ou une organisation, travailler dans un secteur plutôt qu’un autre ; elle a aussi des dimensions qualitatives comme participer aux décisions, travailler avec des personnes qu’on apprécie, être reconnu pour ce qu’on fait, avoir du temps pour soi et sa famille, servir une cause…
Une vision stratégique satisfaisante va au-delà de l’approche habituelle qui veut construire sur « son expérience, ses acquis et ses ressources personnelles » pour progresser. Elle inclut ce qui fait qu’on a envie de s’investir et de se lever le matin.
5 – Mettre en œuvre sa vision stratégique
Définir et mettre en œuvre sa vision stratégique, c’est réaliser une double négociation :
Une négociation avec soi-même pour décider ce qu’on veut et ce qu’on ne veut pas ;
Une négociation avec les autres (son employeur le plus souvent) pour réunir les conditions de sa mise en œuvre et décider si l’on veut rester ou pas.
C’est donc l’inverse de succomber à l’envie de fuir impulsivement la frustration ou l’ennui.
Dans certains cas, il n’est simplement pas possible de réaliser sa vision là où l’on est en ce moment. C’est le cas par exemple si l’on veut changer de carrière pour une activité qui n’existe pas au sein de son employeur ou s’il est clair que les conditions ne seront pas réunies pour s’épanouir comme on le souhaite.
Un départ devient alors nécessaire, mais il se fait en connaissance de cause.
6 – Grandir au travail, là où on est en ce moment : comment ?
Très souvent, on peut trouver en interne des opportunités ou des situations qui permettent de se rapprocher de sa vision stratégique : Susciter de nouvelles initiatives qui permettent d’imprimer son propre style ; travailler avec de nouvelles personnes ; s’ouvrir à un supérieur hiérarchique ou un pair sur ses aspirations profondes, rechercher ensemble les meilleures opportunités pour les mettre en œuvre et recevoir du feedback ; se former, etc. Il est important d’aller là où on se sent bon et utile, là où on a du plaisir à travailler et apprendre, là où on a le sentiment de dépenser positivement son énergie. Naturellement, cette énergie rayonne vers les autres et crée une dynamique nouvelle.
La plupart du temps, on progresse réellement, au-delà de ce qu’on aurait pu imaginer. Plus tard, si un départ s’avère vraiment nécessaire, on est dans une dynamique positive qui guidera une future recherche d’emploi.
Le recours à un conseil externe permet de faire des choix cohérents et réalistes, de préparer leur mise en œuvre, d’évaluer régulièrement où on en est, et de recevoir le feedback neutre d’un professionnel.